Notre univers intérieur;

Le microbiote

Sommes-nous porteurs de 3,9×10 13 bactéries (39000 milliards)[1] pesant près de 2 kg ou sommes-nous des êtres hybrides mi-humains mi-bactériens? Après tout, notre corps est composé de 3×10 13 cellules donc moins de cellules que de bactéries! Environ 500 à 1000[2] souches différentes se retrouvent chez l’humain.

Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de nos bactéries intestinales sont incapables d’utiliser de l’oxygène. Celles-ci sont appelées anaérobies. Ceci est important, car la plupart des probiotiques (90%) proviennent de souches anaérobiques mais ont la capacité de survivre en capsule. C’est le cas des acidophilus qui composition de la majorité des probiotiques sur le marché.  Cependant, ils ont peu d’effet à long terme sur les anaérobies qui  déterminent majoritairement notre santé par un changement permanent du microbiote.  Une meilleure stratégie consiste à faire croître nos propres bactéries en leur donnant des prébiotiques et probiotiques, ce qu’on appelle un synbiotique.[3],[4] Les aliments fermentés (choucroute, etc) et avec des bactéries (comme le yogourt et le kéfir) favorisent aussi un microbiome en équilibre.

Il existe maintenant une nouvelle catégorie de symbiotiques fermentés sous forme de suppléments, qui résulte d’une combinaison entre champignon et microbe comme on peut trouver dans le kombucha ou le kéfir de soya ou laitier. « Ce ferment est formé par une symbiose de levures et de bactéries enduite dans une matrice de polysaccharides produite naturellement par la dite symbiose. »[5]

 

L’hygiène excessive et la prévalence de maladies

Le microbiote des Occidentaux a été examiné par l’équipe du Dr Molly de l’université de Cambridge.

Ils ont en premier lieu relevé la prévalence d’infections parasitaires et la biodiversité de bactéries intestinales chez des habitants de 192 pays. Ensuite, ils ont relevé le taux d’apparition de la maladie d’Alzheimer.[6]  Là où les mesures d’hygiène sont les plus développées, on a constaté une prévalence plus grande de cas d’Alzheimer.

Il est entendu que la corrélation de deux paramètres ne suffit pas pour lier ces éléments par simple observation, mais c’est un début de recherche qui alimente la thèse de l’importance d’un microbiote équilibré.

 

 Un microbiote en équilibre

Mais au fait, qu’est-ce qu’un microbiote équilibré et en santé, qui permet l’expression d’une santé rayonnante?

Ce n’est pas un microbiote affecté par le sucre, la nourriture grasse, avec gras trans et interestérifiés et de protéines glyquées (Europe). Ce n’est pas non plus un microbiote modifié par des antibiotiques, la pilule contraceptive et traitement hormonal, les anti-inflammatoires, les laxatifs, les inhibiteurs de la pompe à proton et Metformine, un hypoglycémiant pour diabétiques. Il y aurait au moins 19 classes de médicaments ayant clairement démontré une action néfaste sur le microbiote.

Le secret bien gardé: les fibres!

Un microbiote en santé a été nourri de fibres (légumes, fruits, légumineuses et céréales entières (Afrique)), de noix, et d’aliments riches en polyphénols dont le chocolat noir, le thé, le café et le vin rouge. Même la bière aurait un effet bénéfique à la croissance de bonnes bactéries!

C’est un microbiome diversifié et avec davantage de bactéries du type Bacteroïdetes et moins de type Firmicutes comme on peut le voir dans l’étude comparative entre microbiotes d’enfants du Burkina Faso (A) et d’enfants d’Italie (B).[8] L’alimentation change tout!

 

 Deux études le confirment

C’est ce qu’à aussi révélé deux études majeures traitant du microbiote sain chez 2000 participants, l’une réalisée en Belgique et l’autre aux Pays-Bas publiés en 2016.[9]

« Pour le bénéfice des futures études cliniques, il est essentiel d’établir ce qui constitue un microbiome intestinal « normal », s’il existe. À travers des échantillons de matières fécales et des questionnaires, Falony et al. et Zhernakova et al. ont ciblé des populations générales en Belgique et aux Pays-Bas, respectivement. La composition du microbiote intestinal est corrélée à une gamme de facteurs incluant le régime alimentaire, l’utilisation de médicaments, le nombre de globules rouges, la chromogranine A fécal et la consistance des selles. Les données donnent quelques conseils pour les biomarqueurs possibles des communautés intestinales normales. »[10]

En résumé, lorsque l’on observe une plus grande diversité de bactéries saines de type Bactéroïdetes contrairement aux bactéries malsaines de type Firmicutes, on obtient un microbiote en santé. Enfin, la santé du microbiote est étroitement en lien avec la muqueuse intestinale.

 

Fragilité de la muqueuse intestinale

Lorsque la paroi intestinale est enflammée, le revêtement protecteur des anticorps intestinaux peut être perdu. Avec la perte de l’immunoglobuline A sécrétoire (SigA), le corps devient plus vulnérable aux infections intestinales provenant de bactéries, de virus, de parasites et de levures. Certaines bactéries gram négatifs sécrètent des endotoxines; les lipopolysaccharides (LPS). Celles-ci passent les deux barrières des intestins et du cerveau etpeuvent entrainer des symptômes de dépression sévères, du syndrome de fatigue chronique, de l’autisme et TSA, de la sclérose latérale amyotrophique, et l’Alzheimer. Ils peuvent aussi atteindre d’autres organes et favoriser le diabète type 2, la cirrhose hépatique non alcoolique et les maladies inflammatoires intestinales.

Le stress augmente aussi cet hyperperméabilité. [11]  « Des stimuli stressants activent le système nerveux sympathique (SNS) et l’axe hypothalamique-hypophysaire-surrénal (HPA). L’activation des deux systèmes augmente la disponibilité de l’eau, des minéraux et des substances riches en énergie afin de répondre à la demande métabolique du corps. »[14]

Grâce aux travaux du Dr Fasano[12] sur la perméabilité intestinale et le marqueur pré-haptoglobine 2/Zonuline, il est par contre certain que la gliadine du gluten, la caséine (portion bêta-caséine de variante A1) des produits laitiers, le sucre et l’alcool de même que plusieurs aliments contenant des lectines comme les légumineuses, les céréales et les solanacées (tomate, poivron, pomme de terre et aubergine) peuvent augmenter la perméabilité intestinale chez la plupart des humains.[13]

La cuisson, le trempage, la germination et la fermentation diminuent la quantité de lectines présente dans ces aliments.

Favoriser l’équilibre du microbiote

Il s’agit plutôt de favoriser  l’équilibre du microbiote par l’alimentation et par la micronutrition avec des synbiotiques, des nutriments favorisant une saine intégrité de la muqueuse intestinale et un programme efficace de modulation du stress.

On peut soutenir cet équilibre symbiotique autant en agissant sur la muqueuse intestinale que sur la population de probiotiques.

Les synbiotiques qui sont issus de fermentation dans un milieu déjà en équilibre  (probiotiques fermentés comme dans une base de soya et de kéfir) favorisent non seulement la santé intestinale au moment de la prise du produit, mais aussi l’augmentation durable de la population de microbiotes.

De leur côté, les acides gras essentiels et les vitamines liposolubles comme la vitamine A et D favorisent non seulement la réparation et l’hydratation de la muqueuse intestinale, mais aussi l’équilibre entre les Th-1 et les Th-2.

Enfin, les micronutriments comme la l-glutamine (qui nourrit surtout les entérocytes), le zinc, le n-acétyl-glucosamine, la réglisse, la guimauve, l’aloès, l’orme rouge, la griffe de chat , la pectine et les fibres prébiotiques (pour les acides gras à chaine courte dont le butyrate qui nourrit les colonocytes) : on les retrouve dans les légumes et fruits, en particulier dans la chicorée, le pissenlit, le topinambour, l’ail, les oignons, les poireaux, les bananes, les pommes, le cacao, les racines de bardane, de konjac et de Yacon, les graines de lin, les légumineuses, les céréales et les algues.

Transplantation fécale

Lorsque la maladie est à un stade avancé, il peut être judicieux de considérer une transplantation fécale. Un microbiote sain et entier provenant d’un donneur fourni avec tout son écosystème déjà en équilibre peut rétablir de façon radicale l’équilibre de cet environnement qui peut parfois être si perturbé qu’il est préférable de repartir à neuf. Jusqu’à présent, les transplantations fécales seules ne permettent pas un changement permanent et durable du microbiote sain. À mon sens, pour maintenir un changement, il est essentiel d’adopter un mode de vie favorisant les bonnes habitudes alimentaires et de modulation du stress : sources d’alimentation riche en fibres, pauvre en sucre, mauvais gras et protéines surchauffées et… respirer par le nez!

La transplantation fécale n’est pour l’instant autorisée officiellement que pour les cas de contamination avec le Clostridium difficile provoquant des diarrhées sévères.

Certains chercheurs comme le docteur Thomas J. Borody[18] ont observé des résultats spectaculaires pour la myasthénie grave, et probants pour la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, l’autisme et l’Alzheimer.

 

Conclusion

En résumé, la compréhension d’un microbiote sain, en relation avec son environnement, va nous permettre de préciser ce qui favorise la santé générale au-delà de la pensée aseptique liée à l’obsession de la propreté telle que nous le vivons en Amérique du Nord.

Après tout, ne sommes-nous pas mi homme et mi bactérien puisque nous sommes constitués d’un peu plus de bactéries que de cellules?

« Vous pouvez vous considérer comme un individu humain porteur de microbes. Alternativement, vous pouvez aussi vous voir comme un super-organisme – une colonie coopérative de cellules, dont certaines sont humaines, mais la plupart microbiennes. »

Not Exactly Rocket Science

L’exploration de cet univers du microcosme vivant n’en est qu’à ses débuts. Il nous invite à garder l’esprit ouvert face aux futures découvertes qui risquent de nous étonner!

 

Références


[1] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/flore-bacterienne-humaine-le-chiffrage-du-microbiote-etait-faux_29779

[2] Sommer, F; Bäckhed, F (Apr 2013). « The gut microbiota–masters of host development and physiology ». Nat Rev Microbiol11 (4): 227–38. doi:10.1038/nrmicro2974PMID 23435359.

[3] L’association entre un probiotique et un prébiotique, nutriment qui lui est favorable, s’appelle un synbiotique.

[4] http://www.jydionne.com/probiotiques-prebiotiques-et-synbiotiques/

[5] http://cedinor.skyrock.com/2822953896-Kefir-produits-kefires-et-permeabilite-intestinale.html

[6] M Fox et al. Hygiene and the World Distribution of Alzheimer’s Disease, Evol. Med. Publ. Health, 2013, doi : 10.1093/emph/eot015

[7] http://www.sciencemag.org/news/2016/04/parasitic-worms-may-prevent-crohn-s-disease-altering-bacterial-balance

[8] De Filippo et al. 2010. Impact of diet in shaping gut microbiota revealed by a comparative study in children from Europe and rural Africa (http://www.pnas.org/content/107/33/14691.full)

[9] Zhernakova, A. Kurilshikov, M. J. Bonder et coll. Population-based metagenomics analysis reveals markers for gut microbiome composition and diversityScience, 2016 ; 352 (6285) : 565 DOI:10.1126/science.aad3369  ET

Falony, M. Joossens, S. Vieira-Silva, et coll. Population-level analysis of gut microbiome variationScience, 2016 ; 352 (6285) : 560 DOI : 10.1126/science.aad3503[9] http://www.sciencemag.org/news/2016/04/parasitic-worms-may-prevent-crohn-s-disease-altering-bacterial-balance

[10] Science  29 Apr 2016:Vol. 352, Issue 6285, pp. 565-569. DOI: 10.1126/science.aad3369

[11] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4432792/ et Dr Perlmutter dans L’intestin au secours du cerveau. Marabout. 2016.

[12] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3384703/

[13] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4432792/

[14] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4432792/

[16] longévité de 4 semaines à 10 ans : https://en.wikipedia.org/wiki/Helminths

[17] http://www.healthline.com/health-news/parasites-in-your-intestines-may-actually-be-good-for-you-120315#3

[18] TJ Borody et al. Therapeutic faecal microbiota transplantation : current status and future developments. Curr. Opin. Gastroenterol. 30, no.1 (Jan. 2014) : 97-105, doi : 10.1097/MOG.0000000000000027.